Objet du mois, septembre 2024

« Poésie pas morte » : les Cahiers luxembourgeois au Premier congrès international de poésie de Paris

Dès leur fondation en 1923, les Cahiers luxembourgeois ont entretenu des liens avec des champs littéraires étrangers. Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir les sommaires des différentes séries, où l’on trouve des textes de contributeurs français, allemands et belges ainsi que des comptes rendus de périodiques et d’ouvrages parus dans les pays voisins. Deux dépliants conservés au sein du Fonds Edmond Dune du CNL attestent à leur manière le rayonnement de la revue au-delà des frontières du Grand-Duché. Le programme du Premier congrès international de poésie de Paris nous apprend ainsi l’organisation d’une soirée autour des Cahiers luxembourgeois et d’autres revues le 26 juin 1952. On sait par ailleurs que deux poètes luxembourgeois, Edmond Dune et Paul Palgen, ont exposé un poème autographe au Salon de poésie installé au premier étage de la brasserie La Coupole, au moment même où s’y tenait le congrès. Organisé, au même titre que ce dernier, par le peintre, poète et éditeur-imprimeur brésilien Vincent Monteiro (forme francisée de Vicente do Rego Monteiro), le Salon allait connaître seize éditions jusqu’en 1968 (voir Walter Zanini, Vicente do Rego Monteiro. Artista e poeta. 1899-1970, 1997).

Si les Cahiers et les deux poètes ont été conviés à ces rencontres, c’est surtout grâce à Dune qui, dès le tournant des années 1940-1950, était en contact avec Monteiro, comme avec les responsables de beaucoup de revues présentes au congrès telles que Marginales, Le Journal des poètes, La Tour de feu et Septembre (sans oublier Le Courrier de poésie, que le poète luxembourgeois avait fondé avec Jean Vodaine en 1950). Membre du comité de rédaction des Cahiers mis en place par le directeur, Raymon Mehlen, au début de l’année 1948, et chargé entre autres de la « revue des revues », Dune cherchait alors à être édité à l’étranger. Entretenant une correspondance avec de nombreux poètes français, il en avait incité certains, proches de Monteiro, à collaborer aux Cahiers, comme Robert Sabatier, Gaston Criel et le poète brésilien lui-même, dont les premiers textes avaient paru dans la revue luxembourgeoise en 1948.

Après l’été 1952, à la faveur d’un reportage sur Paris et ses poètes réalisé par Dune et Mehlen, Monteiro devient un collaborateur régulier des Cahiers et même leur correspondant officiel à Paris. Dans son « kaléidoscope critique » publié entre 1954 et 1960, il présente aux lecteurs luxembourgeois une série de poètes français dont plusieurs font partie du comité d’organisation de son salon, comme Pierre Seghers et Philippe Chabaneix. Certains, comme Louis Guillaume, collaborent de manière ponctuelle aux Cahiers, qui, au cours des années 1950, semblent reprendre à leur compte la devise sous laquelle Monteiro avait placé son salon et son congrès : « Poésie pas morte ». Mehlen et son futur successeur, Nic Weber, rencontrent à plusieurs reprises le peintre-poète brésilien et ses confrères français.

On ne sait au juste quel impact les liens amicaux entre Monteiro et les Cahiers ont eu sur le champ littéraire luxembourgeois, au-delà de la revue. Sur les listes des poètes ayant exposé des poèmes autographes au Salon après 1952, on trouve les noms de Paul Palgen et Jean Kieffer. Certains poètes français invités au congrès de 1952 (notamment Jean Follain, René Ménard et Robert Sabatier) ont par la suite participé aux Journées de Mondorf (1962-1974), dont l’initiatrice et principale responsable, Anise Koltz, a pu s’appuyer entre autres sur le carnet d’adresses d’Edmond Dune pour l’organisation des premières éditions et, tout au long de l’histoire de ces rencontres, sur l’appui de Nic Weber.

 

 

Illustration: Dernière page du catalogue du Salon de poésie organisé par Vincent Monteiro (Vicente do Rego Monteiro), où apparaissent les noms des revues représentées au Premier congrès international de poésie de Paris (dont Les Cahiers luxembourgeois) ; page de couverture de l’invitation à ce congrès. CNL, Fonds Edmond Dune, L-113 ; IV.2.28 et L-113 ; IV.2.29.

 

Myriam Sunnen

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