Objet du mois, avril 2022

Portrait supposé d’Ernest Koch par Jean-Baptiste Fresez

(CNL ART 234)

Il y a près de vingt ans, le CNL a reçu du philologue Joseph Kohnen cette reproduction encadrée d’un beau portrait dressé par le peintre luxembourgeois renommé Jean-Baptiste Fresez ayant appartenu auparavant à Ernest Heuertz. L’image a intégré notre collection d’œuvres d’art sous la cote CNL ART 234. L’original de Fresez se trouve au Musée d’histoire de la Ville de Luxembourg dans ce qui est appelé « Album Fresez » (cote 2015.299.62). Le dessin d’un jeune homme avec une écharpe blanche nouée en cravate et avec une fossette au menton est daté 1828 et signé en bas à droite Fresez.

Sur notre passepartout se trouve une inscription manuscrite apparemment claire et nette quant à l’identité du jeune homme : « Ernest-Guillaume Koch. Professeur à l'Athénée de Luxembourg né à Singlis le 3 juin 1808 décédé à Luxembourg le 24 novembre 1858 ». Le texte est repris à l’identique de l’Annuaire de la Société des Amis des Musées de 1928.

Pourtant, son identification n’est pas si évidente. Une note manuscrite au dos du même portrait, de la main du donateur Joseph Kohnen, précise que ce ne peut pas être Ernst Koch, car, en 1828, celui-ci était encore étudiant à Göttingen, sans aucun lien avec le Luxembourg. Koch ne s’y installe qu’en 1839 lorsque le hessois Hans Daniel Ludwig Hassenpflug, devenu chef de l’administration du Grand-Duché de Luxembourg, l’appelle sous ses ordres et le nomme secrétaire du gouvernement.

En dessous du dessin original au City Museum se trouve non pas le nom d’Ernst Koch, mais la mention manuscrite « Koch, professeur, père du Dr. Paul Koch ». Cette indication ne peut être de la main de Fresez. Paul Koch (1842-1902) avait à peine terminé ses études de médecine en 1867, date de décès de Fresez. En outre, le peintre aurait défini son sujet directement, et non par le biais de son fils. Une telle identification « par la bande » est moins étonnante au début du XXe siècle, lorsque la renommée du docteur Paul Koch, médecin de la Cour, est encore présente parmi les habitants de la Ville de Luxembourg. Par ailleurs, de nombreux noms dans l’« Album Fresez » au Musée sont tous de la même écriture, ce qui pourrait indiquer qu’ils ont été rajoutés au moment de la préparation de l’Annuaire de la Société des Amis des Musées, sorti en 1928.

Nik Welter a, quant à lui, émis dans son ouvrage Dichtung in Luxemburg de 1929 l’hypothèse que l’homme du portrait serait en fait Heinrich Stammer (1775-1859), ce qui est peu plausible, car le personnage représenté est nettement plus jeune que Stammer, qui avait 53 ans en 1828.

Enfin, le chercheur allemand Klaus Beckenbach confirme dans une étude approfondie que ce n’est pas Ernst Koch qui a été peint par Fresez. Beckenbach argumente son propos sur ce dessin ainsi que sur une série d’autres portraits attribués à tort à Ernst Koch dans son article intitulé Ernst Koch. Kritische Anmerkungen zu den angeblichen Portraits des Dichters publié dans la revue Hessische Heimat 58 (2008) 2/3, p. 51-57.

Finalement, et en dépit de nombreuses pistes, le constat s’impose : nous ignorons à ce jour qui est le charmant jeune homme représenté ici.

Nicole Sahl

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