Ce certificat a été délivré le 11 février 1944 au Sergent Hugues Dardenne, le pseudonyme que l’auteur luxembourgeois Edmond Dune, de son vrai nom Edmond Hermann (1914-1988), a porté durant son incorporation à la Légion Étrangère. Le 30 décembre 1938, il s’engage pour 5 ans dans ce corps militaire réputé ; « sur un coup de tête », comme il motivait souvent son geste. Or, dans une lettre du 19 février 1939 à son ami Jean David, on trouve des pistes permettant de mieux comprendre sa décision : «[…] dans certains cas il faut employer des moyens artificiels pour retrouver l’équilibre. Dans mon cas j’ai choisi la Légion, c’est-à-dire tout un système de conventions et de contraintes que je juge aptes à me transformer moralement et physiquement, car l’un ne va pas sans l’autre. »
Le verso de ce certificat comporte le détail des services et positions successives du légionnaire Dardenne. Il est affecté dans les différents postes militaires coloniaux français en Afrique du nord, et passe ainsi par les villes de Saïda, Oran, Taza, Fès, Sidi Bel Abbès, pour finalement quitter la Légion en se rendant à Tunis le 19 novembre 1943. On apprend qu’il fut nommé Caporal le 24 avril 1940, puis Sergent le 30 avril 1941, et qu’il fut blessé par éclats d’obus et évacué le 9 mai 1943.
Le pseudonyme Hugues Dardenne, que l’auteur a porté à la Légion étrangère est à maints égards évocateur pour la transformation personnelle et les stratégies de formation identitaire auxquelles Edmond Hermann avait recours pendant sa vie. On peut ainsi suivre ses pas, de la personne civile Edmond Hermann, en passant par le légionnaire Hugues Dardenne, à l’écrivain-poète Edmond Dune. Au-delà des connotations littéraires et mythiques de la forêt des Ardennes, il faut souligner que la grand-mère paternelle de son proche ami et confident, le poète belge Arthur Praillet, s’appelait Dardennes. Il est donc fort probable que Dune ait aussi choisi ce nom en référence à la famille des Praillet. Finalement, son nom de plume Edmond Dune est aussi évocateur des paysages désertiques de l’Afrique du nord, que l’auteur appréciait particulièrement, comme nous l’apprennent les nombreuses lettres qu’il adresse à des amis proches pendant sa période à la Légion.
Pascal Seil