Le diplôme de la Légion d’honneur d’Anne Beffort

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En 1948, à l’occasion de la réouverture de la maison de Victor Hugo, Robert Schuman, alors ministre des Affaires étrangères, décora Anne Beffort de la Légion d’honneur.
Personne n’aurait pu prévoir, lorsqu’elle naquit en 1880 à Neudorf, qu’Anne Beffort accéderait un jour à une telle distinction, ni qu’elle serait, avec Marie Speyer, la première Luxembourgeoise à soutenir une thèse de doctorat. En effet, au Grand-duché, il n’existait à l’époque aucun lycée pour jeunes filles, et l’examen de fin d’études secondaires était réservé aux garçons. Désireuse de poursuivre ses études au-delà de l’école primaire supérieure, elle choisit donc la seule voie qui lui fût ouverte : elle fréquenta l’École normale et devint institutrice. Grâce à un subside de l’État et à ses économies, elle étudia ensuite les lettres aux Universités de Münster et de Paris. Soutenue en 1909, sa thèse porte sur la vie et l’œuvre d’Alexandre Soumet. Dès son retour au Luxembourg, Anne Beffort enseigna au Lycée de Jeunes Filles, fondé l’année même de sa soutenance. À partir des années 1930 et jusqu’à son décès (1966), elle œuvra pour l’éducation des jeunes filles tout en poursuivant ses recherches sur différents auteurs français. Dans ses Souvenirs parus en 1961, on trouve des récits autobiographiques, des anecdotes concernant ses amis, ses collègues et son « maître » Gustave Lanson mais aussi des études sur Victor Hugo.

Le diplôme de Chevalier de la Légion d’honneur (55 × 43 cm) portant la signature du Président français Vincent Auriol et celle du Général Paul Dassault, Grand Chancelier de la Légion d’honneur, la médaille d’Officier ainsi que les photographies reproduites ici ont été légués au CNL par la famille d’Anne Beffort. Récompensant depuis 1802 des mérites exceptionnels, la Légion d’honneur peut être décernée à des étrangers ayant rendu des services à la France. Démise de ses fonctions par l’Occupant nazi en 1941 et connue pour avoir refusé toute compromission pendant la guerre, Anne Beffort compte parmi ces intellectuels luxembourgeois qui, à l’époque de l’entre-deux-guerres et au-delà, contribuèrent à la diffusion de la culture française au Grand-duché. Membre fondateur de la Société des écrivains luxembourgeois d’expression française en 1934, elle s’engagea pour que fût achetée et transformée en musée littéraire la maison dans laquelle Victor Hugo avait séjourné en 1871. C’est à elle aussi que l’on doit la présence d’un buste du poète français à Luxembourg-ville. Grâce à ses contacts et à son engagement au sein de l’Amicale des anciennes élèves du Lycée de Jeunes Filles, Anne Beffort aida par ailleurs de nombreuses Luxembourgeoises à faire leurs études en France. La photo prise lors de la remise de la Légion d’honneur nous rappelle que pendant son enfance, Anne Beffort a croisé Robert Schuman dans le faubourg de Clausen, où l’homme politique français était né en 1886. Désormais mixte, le Lycée de Jeunes Filles porte d’ailleurs le nom de Robert Schuman depuis 1972. Mais celui d’Anne Beffort ne s’est pas effacé de la mémoire collective. Depuis 2003, la Ville de Luxembourg attribue le Prix Anne-Beffort à des personnes ou des institutions œuvrant pour l’égalité des chances entre hommes et femmes.

Myriam Sunnen

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