partitions imprimées de Helen Buchholtz

Des œuvres qui en cachent d’autres

Les partitions imprimées de Helen Buchholtz

En parcourant le dossier M-47 du CNL, on constate d’abord qu’à l’instar de beaucoup d’autres partitions imprimées du Fonds Musicalia, celles de Helen Buchholtz (1877-1953) ne portent en général aucune date. Le style graphique de certaines pages de couverture et l’orthographe – il s’agit exclusivement d’œuvres vocales pour l’essentiel en langue luxembourgeoise – permettent toutefois de les dater de la première moitié du XXe siècle, ce que confirme la thèse de Noemi Deitz (Zwischen nationaler Tradition und künstlerischer Identität. Die luxemburger Komponistin Helen Buchholtz (1877-1953), Université de Hambourg, 2020). La partition la plus récente du dossier a ainsi été éditée en 1949, alors que les plus anciennes – celles par lesquelles la compositrice luxembourgeoise s’est présentée pour la première fois au public – datent de 1916 : ce sont les cinq mélodies sur des textes de Lucien Koenig, dit Siggy vu Lëtzebuerg, dont Sěleschmîrz fait partie. Est-ce parce qu’à cette époque, on ne reconnaissait guère aux femmes la faculté de composer que, sur cette partition, le prénom de la musicienne est réduit à une simple initiale ? Avec Noemi Deitz (p. 400), on peut en émettre l’hypothèse, même si le nom complet figure sur la plupart des autres couvertures.

 

Dépourvues de toute annotation témoignant d’une exécution, les pages de ces partitions semblent à peine avoir été tournées – un détail qui prend valeur de symbole au vu de la réception de l’œuvre de Buchholtz. Après son décès, elle est en effet tombée dans l’oubli, jusqu’à ce qu’en 1998, son neveu François Ettinger remette à Danielle Roster deux valises remplies de partitions en grande partie inédites, qui se trouvent actuellement au CID Fraen an Gender. Grâce aux recherches de Danielle Roster et d’autres musicologues, Helen Buchholtz a depuis acquis une notoriété certaine, soutenue par des concerts et des enregistrements.

 

Seulement, cette « musicienne » sortie du « silence » (Mallarmé) est-elle encore celle que connaissaient ses contemporains ? De son œuvre, les interprètes du XXIe siècle ont surtout retenu les pièces pour piano seul, inédites, ainsi que les lieder reposant sur des textes d’auteurs d’expression française et avant tout allemande. Les mélodies luxembourgeoises n’ont en revanche quasiment pas été interprétées. Si ce choix s’explique d’après Noemi Deitz (p. 237) par des raisons à la fois esthétiques (la facture très simple de certaines chansons) et idéologiques (les idées nationalistes de Lucien Koenig), il n’en est pas moins paradoxal. Sur les dix-huit œuvres que Helen Buchholtz a publiées, douze sont des mélodies en langue luxembourgeoise. Pourtant minoritaires par rapport à l’ensemble de ses lieder, elles ont par ailleurs été interprétées de son vivant, par exemple lors d’une soirée patriotique organisée par la Nationalunio’n et dans le cadre de l’hommage à Willy Goergen de 1937. Décidément, l’image que nous nous faisons de sa musique n’est pas celle qu’avaient ses contemporains.

 

Si les partitions conservées au CNL nous renvoient l’écho d’une époque à laquelle la poésie et la musique se mettaient conjointement au service de la langue luxembourgeoise, les disques récents, fondés essentiellement sur des inédits, nous révèlent des pièces sans lien avec le Grand-Duché. Il s’agit pourtant de deux facettes d’une même œuvre, que la thèse de Noemi Deitz et le Salon de Helen Buchholtz (www.lesalondehelenbuchholtz.lu) nous présentent dans toute sa complexité.

 

Myriam Sunnen

 

 

Sěleschmîrz, pour voix moyenne et piano, musique de Helen Buchholtz, texte de Siggy vu Lëtzebuerg (Lucien Koenig), Esch-sur-Alzette, éditions musicales Felix Krein, 1916, Fonds Musicalia du CNL, M-47 ; 16 b.

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